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- L’Australie reconnaîtra la Palestine lors de l’Assemblée générale de l’ONU ce mois-ci.
- L’ONU a récemment approuvé la Déclaration de New York, qui esquisse un cadre temporel pour deux États.
- Les États-Unis et Israël s’opposent à l’initiative ; de nombreux gouvernements européens et arabes la soutiennent.
- Canberra soutient que la reconnaissance est nécessaire pour maintenir un horizon politique et réduire les dommages aux civils à Gaza.
- Les dirigeants se réuniront de nouveau vers le 22 septembre pour transformer la déclaration en un plan de travail.
L’Australie s’est engagée dans une étape diplomatique importante : la reconnaissance de l’État de Palestine à l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Le Premier ministre Anthony Albanese et la ministre des Affaires étrangères Penny Wong ont confirmé que cette initiative aura lieu pendant la semaine de haut niveau, alignant Canberra sur un groupe de gouvernements cherchant à relancer le conflit israélo-palestinien. Cette décision fait suite à la Déclaration de New York, adoptée par l’Assemblée générale le 12 septembre avec 142 votes pour, 10 contre et 12 abstentions, comme l’a rapporté Reuters.
La déclaration est issue d’une conférence de juillet convoquée par la France et l’Arabie saoudite. Elle condamne les attaques du Hamas d’octobre 2023, appelle à la libération des otages, exhorte à la fin de la guerre à Gaza et exige qu’Israël cesse l’annexion et l’activité de colonisation. De manière cruciale, elle expose une transition dans laquelle une Autorité palestinienne réformée gouverne les deux territoires, avec le soutien des donateurs et une mission de stabilisation temporaire mandatée par l’ONU. Son annexe détaille le séquençage, la supervision et les mesures de protection des civils. Un tel niveau de détail est rare dans les textes de l’Assemblée générale.
Pour Canberra, la reconnaissance n’est pas présentée comme une finalité mais comme un levier. Wong a souligné dans des interviews et des déclarations que le Hamas ne fera partie d’aucun gouvernement palestinien légitime, et que la reconnaissance est liée à des réformes de gouvernance. L’Australie souhaite s’assurer que l’aide circule plus efficacement, que les souffrances des civils soient réduites et qu’il reste au moins les grandes lignes d’un horizon politique. La déclaration de Wong du 11 août a présenté la reconnaissance comme une étape pratique pour maintenir la diplomatie en vie.
Washington ne partage pas ce point de vue. Dans une explication de vote, la mission américaine a déclaré que la déclaration était malavisée, avertissant qu’elle ne ferait pas avancer des négociations crédibles et pourrait compliquer les efforts visant à obtenir la libération des otages. Israël a rejeté le texte catégoriquement et critique vivement la campagne de reconnaissance européenne et maintenant australienne. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a récemment condamné la décision de la Belgique de reconnaître la Palestine, la qualifiant de « faible », une évaluation que lui et ses ministres sont susceptibles de répéter en réponse à la démarche de l’Australie.
L’ensemble des annonces de reconnaissance n’est pas accidentel. La France a déclaré le 25 juillet qu’elle reconnaîtrait la Palestine à l’Assemblée générale. Le Royaume-Uni et le Canada ont suivi avec leurs propres déclarations, liant la reconnaissance aux conditions de cessez-le-feu et à la réforme institutionnelle. La Belgique a déclaré qu’elle irait plus loin, associant la reconnaissance à des sanctions sur les produits des colonies. L’effet est de concentrer l’attention diplomatique pendant la semaine de l’ONU, en utilisant des annonces coordonnées pour faire monter la pression sur les deux parties au conflit.
La contribution de l’Australie est peut-être modeste en ampleur, mais elle est symboliquement importante. C’est la première fois depuis des décennies que Canberra prend une mesure de politique étrangère aussi visible au Moyen-Orient en dehors des engagements militaires. Cela place le gouvernement en accord avec ses partenaires européens mais en désaccord avec Washington, son principal allié en matière de sécurité. Naviguer dans cette tension ne sera pas simple. Wong a pris soin de souligner que la reconnaissance est compatible avec le soutien à la sécurité d’Israël et avec les engagements bipartisans de longue date en faveur d’une solution à deux États.
Les propositions opérationnelles de la déclaration sont aussi importantes que le symbolisme. Elle appelle à une mission de stabilisation mandatée par l’ONU pour assurer la protection des civils pendant une phase de transition. Cela exigerait des États membres qu’ils s’engagent en personnel, en financement et en logistique – ce qui n’est pas garanti étant donné la probabilité d’un veto au Conseil de sécurité. Elle exige également des réformes de l’Autorité palestinienne, y compris des mesures anticorruption et de nouvelles élections. Le soutien des donateurs devrait être lié à de telles réformes. Pour l’Australie, cela pourrait signifier une augmentation de l’aide de manière visiblement responsable, un thème souligné dans son annonce du 4 août concernant une aide humanitaire supplémentaire.
La politique intérieure complique les choses. L’opposition s’est engagée à annuler la reconnaissance si elle arrive au pouvoir, insistant sur le fait que l’état doit découler de négociations, et non les précéder. Les organisations juives d’Australie ont exprimé leur inquiétude, avertissant que cette mesure pourrait enhardir les plus intransigeants. En revanche, les dirigeants des communautés arabes et les groupes humanitaires l’ont saluée comme une mesure attendue de longue date. L’opinion publique reste divisée, bien que les sondages suggèrent un soutien croissant à la reconnaissance à la suite de la crise humanitaire à Gaza.
Au niveau régional, la reconnaissance rapproche Canberra de l’Indonésie, de la Malaisie et des États du Golfe, qui soutiennent tous des mesures concrètes en faveur de deux États. Cela pourrait améliorer la position diplomatique de l’Australie dans son voisinage, mais cela se fait au prix de frictions avec les États-Unis et Israël. Pour le gouvernement d’Albanese, il s’agit d’un compromis calculé : il signale une indépendance en matière de politique étrangère tout en restant au sein du système d’alliance occidentale.
Les semaines à venir révéleront si ce calcul porte ses fruits. Les dirigeants prévoient de se réunir de nouveau vers le 22 septembre pour traduire la déclaration en un plan de travail : surveillance du cessez-le-feu, séquençage des étapes politiques, coordination des donateurs pour la reconstruction de Gaza et formation et vérification des forces de sécurité palestiniennes. Si ces discussions produisent des mécanismes concrets, la reconnaissance aura pu servir de levier. Si ce n’est pas le cas, les sceptiques y verront un théâtre vide de sens.
Le pari de l’Australie est que la reconnaissance, liée à la réforme et à la responsabilité, peut orienter les incitations vers la modération. Le risque est qu’elle n’obtienne que peu de choses au-delà de frictions diplomatiques. L’opportunité est qu’elle aide à construire une coalition prête à attribuer de véritables coûts et bénéfices aux comportements des deux parties. Que cette opportunité se concrétise ne dépend pas des mots adoptés à New York, mais de la volonté des gouvernements de s’engager avec des ressources, une surveillance et une pression politique soutenue. Pour l’instant, Canberra a choisi de se placer au sein de cette coalition, dans la conviction qu’un horizon politique tangible, aussi fragile soit-il, est toujours préférable à l’absence d’horizon.
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