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L’Histoire du Régime de Non-Prolifération Nucléaire

Une énorme explosion nucléaire, représentée par un nuage en forme de champignon gigantesque aux teintes vives orange, rouge et jaune. Le nuage se gonfle intensément sur un fond sombre, suggérant la force de la détonation. La partie inférieure du nuage forme une tige épaisse et enflammée qui s’élève du sol, tandis que la partie supérieure se déploie dans un mélange tumultueux de feu et de fumée, simulant la forme classique d’un chapeau de champignon. Le paysage en dessous est obscurci par la luminosité de l’embrasement, donnant l’impression d’un environnement désolé et sévère. La scène globale transmet une sensation de destruction et de puissance.
Les armes nucléaires exploitent la puissance des atomes pour générer des explosions massives. Image par Burnt Pineapple Productions, sous licence CC0 1.0 DEED.

Les armes nucléaires ont profondément modifié le paysage de la sécurité mondiale depuis leur première utilisation en 1945. Contrairement aux armes conventionnelles, les armes nucléaires exploitent la puissance des réactions nucléaires pour produire des explosions massives et une dévastation étendue. Le régime de non-prolifération nucléaire représente un effort mondial pour atténuer les graves risques posés par ces types d’armes tout en encourageant les utilisations pacifiques de la radioactivité. À partir de 1957, des moments décisifs dans ce régime ont eu lieu, culminant avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 1968. Cependant, malgré des traités solides et une coopération internationale, la voie vers le désarmement nucléaire mondial reste semée d’embûches. De nos jours, il existe des menaces modernes qui exigent des efforts continus pour sécuriser un monde exempt d’armes nucléaires.

Le début du régime

À la suite des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, le monde a rapidement pris conscience du potentiel destructeur des armes nucléaires. Cela a conduit à des appels accrus à la régulation et au contrôle. En 1953, le président américain Dwight D. Eisenhower a proposé la création d’une agence des Nations Unies axée sur le contrôle de la technologie nucléaire tout en promouvant les avantages de ses utilisations pacifiques. Suite à sa proposition, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a été établie en 1957, avec son siège à Vienne. L’AIEA a été conçue pour promouvoir l’énergie nucléaire pacifique et garantir que la technologie nucléaire ne soit pas détournée vers la production d’armes nucléaires. Depuis lors, elle a joué un rôle crucial dans la surveillance des programmes nucléaires et la facilitation de la coopération technique entre les pays.

Le chemin vers un traité de non-prolifération formel a commencé plus décidément en 1961, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution 1665, proposée par l’Irlande. La résolution appelait tous les États à négocier un traité qui empêcherait les États non dotés d’armes nucléaires d’acquérir de telles armes.

L’urgence de contrôler les armes nucléaires a été encore soulignée par la crise des missiles de Cuba en 1962, qui a amené le monde dangereusement près d’une guerre nucléaire. Des ogives soviétiques étaient installées sur le sol cubain, et les États-Unis ont engagé un blocus naval pour gagner du temps pendant qu’ils négociaient le retrait des missiles avec l’Union soviétique. Heureusement, ces États ont conclu un accord secret, selon lequel Cuba perdrait les ogives, mais des missiles américains en Turquie et en Italie devaient également être retirés. Suite à cette crise, les États-Unis et l’Union soviétique ont commencé à s’engager plus sérieusement dans des négociations pour contrôler les armes nucléaires, en se concentrant sur deux types de non-prolifération :

  • Non-prolifération horizontale pour empêcher la propagation des armes nucléaires à d’autres pays et à des acteurs non étatiques.
  • Non-prolifération verticale : pour limiter ou réduire les arsenaux nucléaires des pays qui les possédaient déjà.

En 1963, le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires (TIPEN) a été signé, initialement, par les États-Unis, l’Union soviétique et le Royaume-Uni. Ce traité interdisait les essais nucléaires dans l’atmosphère, sous l’eau et dans l’espace, les limitant aux configurations souterraines dans l’espoir de limiter le développement et le raffinement ultérieur des armes nucléaires. Toutefois, le TIPEN manquait de mécanisme de surveillance internationale, et cette lacune a limité son efficacité.

Le Traité sur la Non-Prolifération

Finalement, en 1968, le régime de non-prolifération nucléaire a progressé de manière significative, grâce à l’adoption du Traité sur la Non-Prolifération des Armes Nucléaires (TNP). Ce traité est entré en vigueur en 1970 et est devenu la pierre angulaire du régime. Il reposait sur trois piliers :

  1. Non-prolifération (articles I et II) : Les États dotés d’armes nucléaires, définis comme ceux qui avaient testé des armes nucléaires avant le 1er janvier 1967, ont convenu de ne pas transférer d’armes nucléaires ni d’autres dispositifs explosifs, et les États non dotés d’armes nucléaires ont convenu de ne pas chercher à développer ou acquérir de tels dispositifs. En termes pratiques, seuls les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies étaient autorisés à posséder des armes nucléaires : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine.
  2. Désarmement (article VI) : Les États dotés d’armes nucléaires se sont engagés à poursuivre les négociations de bonne foi en vue du désarmement nucléaire et, à terme, du désarmement général et complet.
  3. Utilisation pacifique de la technologie nucléaire (article IV) : Tous les États avaient le droit de participer à l’échange d’informations scientifiques et technologiques pour promouvoir les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire.

Selon l’article III du TNP, les États non dotés d’armes nucléaires sont tenus de signer des accords de garanties avec l’AIEA pour assurer le respect de leurs engagements en matière de non-prolifération. L’AIEA a le mandat d’inspecter la circulation et l’utilisation des matériaux nucléaires, et ces garanties sont essentielles pour s’assurer que les programmes nucléaires civils ne se transforment pas en programmes d’armement nucléaire.

Malgré l’adoption large du TNP (avec des exceptions notables comme l’Inde, le Pakistan, Israël et le Soudan du Sud), des défis subsistent. Par exemple, la Corée du Nord s’est retirée du traité en 2003 et, depuis lors, a défié le régime de non-prolifération en procédant à des essais nucléaires successifs.

Le régime à l’apogée de la Guerre Froide

Les années 1970 ont vu émerger une période de détente durant la Guerre Froide, où la réduction des tensions a conduit à des traités significatifs entre les États-Unis et l’Union soviétique visant à limiter les arsenaux nucléaires et les systèmes de lancement. Parmi ceux-ci, le Traité Anti-Missile Balistique de 1972 a restreint l’utilisation des systèmes de défense antimissile capables d’intercepter des missiles balistiques entrants. Cette même année, les discussions sur la limitation des armes stratégiques (SALT I) ont abouti à d’autres accords pour limiter les missiles balistiques intercontinentaux et lancés depuis des sous-marins. Cette phase de négociation s’est poursuivie avec le Traité d’interdiction des essais nucléaires à seuil (TTBT, en anglais) en 1974, qui limitait les essais nucléaires à moins de 150 kilotonnes pour entraver le développement d’armes nucléaires plus sophistiquées.

Néanmoins, les années 1980 ont été témoins d’une recrudescence des tensions de la Guerre Froide, ralentissant brièvement les progrès dans le contrôle des armements. Cela a changé en 1987 avec le Traité sur les Forces Nucléaires à Portée Intermédiaire (INF, en anglais), qui a éliminé tous les missiles balistiques et de croisière terrestres ayant des portées de 500 à 5 500 kilomètres. Ce traité a significativement affecté le paysage sécuritaire de l’Europe, car le continent ne serait plus menacé par des missiles nucléaires soviétiques. La même année, les pays du G7 ont initié le Régime de Contrôle de la Technologie des Missiles (MTCR, en anglais), un partenariat informel et volontaire visant à prévenir la prolifération des missiles capables de transporter des charges utiles importantes, y compris des armes de destruction massive. Le MTCR, initialement axé sur les missiles capables de porter des charges nucléaires, s’est élargi pour inclure les véhicules aériens sans pilote et d’autres systèmes de lancement, et compte maintenant plus de 30 pays membres.

Le régime à l’aube du siècle

Les années 1990 ont ouvert de nouvelles opportunités pour la non-prolifération nucléaire dans l’environnement post-Guerre Froide. La Conférence d’examen du TNP de 1995 a non seulement prolongé indéfiniment le Traité sur la Non-Prolifération Nucléaire mais a également proposé la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Bien que ces efforts aient connu des revers, notamment après l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, ils ont marqué une tentative significative de désarmement régional. Un autre développement crucial fut le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires en 1996, qui cherchait à interdire toutes les explosions nucléaires. Pourtant, ce traité n’a toujours pas été ratifié en raison de l’absence de ratification par des nations clés. La révélation d’activités nucléaires clandestines en Corée du Nord et en Irak a poussé à l’approbation en 1997 d’un protocole additionnel à l’Accord de Garanties de l’AIEA, améliorant la capacité de l’agence à inspecter et vérifier les programmes nucléaires.

Des défis légaux et consultatifs sont également apparus, notamment à travers un avis consultatif de 1996 de la Cour Internationale de Justice (CIJ). Selon la Cour, la légalité de l’utilisation d’armes nucléaires ne pouvait être exclue et devrait être analysée au cas par cas. Cependant, les juges ont insisté pour que le droit international humanitaire soit respecté en toutes circonstances, tant que la survie d’un État n’est pas menacée.

En 2000, la Sixième Conférence d’examen du TNP a marqué un progrès significatif dans les efforts de désarmement nucléaire. Lors de cette conférence, un document intitulé les « 13 étapes pratiques sur la non-prolifération et le désarmement » a été adopté. Ce document établissait des lignes directrices spécifiques visant à mettre en œuvre l’article VI du TNP, centré sur le désarmement des États dotés d’armes nucléaires. L’approbation de ces étapes a été largement poussée par la pression exercée par la Coalition pour un nouvel agenda (NAC, en anglais), un groupe de pays non dotés d’armes nucléaires de moyenne puissance. Ces nations se sont opposées à la prolongation indéfinie du TNP au motif que les États dotés d’armes nucléaires ne respectaient pas leurs obligations de désarmement telles qu’énoncées dans l’article VI. La Coalition a plaidé pour l’élimination totale des arsenaux nucléaires et pour l’assurance que de telles armes ne seraient jamais à nouveau produites.

Toutefois, à partir de 2000, il y a eu des échecs notables lors des Conférences d’examen subséquentes du TNP. Ce n’est qu’en 2017 qu’une autre avancée significative a eu lieu, grâce aux négociations sous l’égide des Nations Unies.

Le TPNW et les développements récents

En 2017, les négociations ont abouti au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Ce traité est issu de discussions initiées par l’Initiative humanitaire, un groupe d’États qui a organisé des conférences sur les armes nucléaires en 2013 et 2014. Ce groupe a mis en lumière les conséquences humanitaires, environnementales et économiques catastrophiques des détonations nucléaires accidentelles ou intentionnelles, et s’est engagé à « combler le vide juridique pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires ».

Une autre force majeure derrière le TPNW a été la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN, en anglais), une coalition d’organisations de la société civile qui a joué un rôle crucial lors de la conférence internationale qui a négocié le traité. En reconnaissance de ses efforts, l’ICAN a reçu le prix Nobel de la paix en 2017.

Néanmoins, aucune puissance nucléaire majeure ou membre de l’OTAN n’a rejoint le TPNW. Par exemple, les Pays-Bas étaient le seul pays de l’OTAN ayant participé aux négociations du TPNW, mais ont voté contre le traité. D’autres pays n’ont pas voté du tout, s’abstenant même des discussions préliminaires aux Nations Unies. Ces acteurs soutiennent qu’une interdiction progressive des armes nucléaires est préférable, car une interdiction immédiate pourrait compromettre leurs politiques de dissuasion nucléaire.

Pourtant, le TPNW est entré en vigueur en 2021 après avoir été ratifié par 50 États. Son efficacité est quelque peu limitée, mais les cinq États officiellement reconnus comme étant armés nucléairement semblent avoir confiance dans les objectifs du traité. En 2023, ils ont publié une déclaration conjointe sur la prévention de la guerre nucléaire et l’évitement d’une course aux armements, affirmant qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée.

Quoi qu’il en soit, ces États restent réticents à participer à des conférences internationales sur la non-prolifération concernant l’élimination complète de leurs arsenaux nucléaires. À l’heure actuelle, selon certaines estimations, les États-Unis et la Russie possèdent les plus grands arsenaux nucléaires au monde, chacun détenant environ 5000 à 6000 ogives. La Chine maintient le troisième plus grand arsenal, consistant en environ 400 ogives. Aucun d’eux ne semble enclin à réduire significativement ses arsenaux, et il est probable que d’autres puissances régionales, telles que l’Inde, le Pakistan et Israël, tentent en réalité d’augmenter leurs capacités nucléaires.

Conclusion

Le régime de non-prolifération nucléaire reflète les efforts continus de la communauté internationale pour gérer les risques profonds associés aux armes nucléaires. Il vise un équilibre entre garantir la paix et la sécurité internationales tout en promouvant les utilisations légitimes de la technologie nucléaire. Malgré l’établissement d’un cadre robuste de traités et d’accords, le chemin vers le désarmement nucléaire mondial reste semé d’embûches politiques et techniques. La modernisation des arsenaux américains et russes, ainsi que l’émergence de nouveaux États nucléaires, soulignent la nécessité d’une coopération internationale et d’une vigilance soutenues dans la poursuite d’un monde exempt de la menace des armes nucléaires.

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